LA NUDITE’ DANS L’ART
LA NUDITE’ DANS L’ART – de Jean Bruschini
Depuis la nuit des temps, la nudité, surtout celle féminine, a été considérée “infamante” aux yeux de la société. Nous retrouvons des représentations érotiques dans presque chaque civilisation ancienne et moderne, là où les emblèmes érotiques prennent vie sous forme de peintures, sculptures et plus récemment, photos.
Photo: La Vénus de Willendorf est une statuette en calcaire du Paléolithique supérieur conservée au Musée d’histoire naturelle de Vienne en Autriche.
Entourés par des images sexuelles presque à chaque instants, cela faisant parti désormais du quotidien, nous retrouvons des messages explicites et subliminales dans chaque secteur commerciale. A partir des « Stars » nues et photoshopées qu’inondent les pages de tous les périodiques, pour en arriver à l’étiquette de l’eau minérale naturelle, l’érotisme est devenu trop envahissant, utilisé partout comme moyen publicitaire.
Photo: vieille carte postale
Existe-t-il une solution propre de représenter la nudité sans tomber dans la vulgarité ? Le nu artistique, à quelques exceptions près, il est considéré comme un miroir qui reflet le moral de l’époque à laquelle nous appartenons. Pour faire un exemple, imaginons pour un instant les athlètes, les danseurs, les guerriers et les personnages mythologiques de l’antiquité: ils étaient souvent représentés nus pour montrer toute leur énergie et susciter des émotions, sans pourtant gêner l’observateur, voir la Venus de Milo.
De nos jours, la disponibilité sexuelle implique inévitablement la possibilité de transgression, principe de base de la publicité érotique; transgression alimentée encore plus à cause des normes et des interdits qui limitent les pratiques de la sexualité dans certains pays.
Dans son livre sur le nu dans l’histoire de l’art (« The Nude: a Study in Ideal »), publié pour la première fois en 1956, Lord Kenneth Clark marquait une distinction entre la simple nudité d’un corps et la nudité vue comme représentation artistique; l’auteur affirme que l’être humain sans vêtements implique inévitablement une condition de gêne et de honte, éléments par contre jamais présents dans le nu artistique.
Le prophète Jonas rejeté par la baleine – Felice Filcherelli (1605-1669).
Musée des beaux-arts, Chambéry
La nudité est présente dès le début de la Bible. Lorsque Dieu crée Adam et Ève, ces derniers sont des adeptes du nudisme jusqu’à ce qu’ils transgressent l’interdit et mangent le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (Gn 3,7). Après ce geste, ils ont honte et cherchent un vêtement pour se protéger du regard de l’autre.
Adam and Eve – Lucas Cranach the Elder (1526)
Un exemple de beauté érotique? Les sculptures des temples hindous témoignent que l’art peut avoir un fort contenu sexuel sans nécessairement être obscène. Par contre, les œuvres qui célèbrent le corps humain sont susceptibles d’être interprétés comme trop érotiques à une certaine catégorie de personnes, et peut-être « baroques » par une autre. L’écrivain, poète et critique d’art John Berger en 1972 a affirmé que le nu féminin reflète et renforce la relation de pouvoir entre les femmes représentées dans l’art et le public essentiellement masculin.
LA PERFECTION
L’architecte romain Vitruve nous a laissé l’une des expression les plus célèbres des proportions du corps humain « parfait ». Dans son livre « De architectura », il indique que les proportions idéales de l’architecture doivent se baser sur le modèle du corps humain, car avec ses bras et jambes étendus, il s’intègre parfaitement dans les deux formes principales de la géométrie : le cercle et le carré.
Les personnages publiques et les acteurs, trop souvent présentés comme les stéréotypes de la beauté, nous attendent chaque jour à la télé, sur Internet et sur les affiches publicitaires pour nous convaincre à acheter quelques produits.
Les éléments qui rendent un nu plus « artistique » qu’un autre ce sont l’œil de l’observateur et l’époque où il vit.
Le christianisme à l’occident et les autres religions n’ont jamais facilement permis la représentation du corps humain nu, raison pour laquelle aujourd’hui une bonne partie de la population mondiale voit encore le nu artistique comme quelque chose de dangereux ou impur.
D’ailleurs, même un Pape (Clément VIII 1536-1605) se fit prendre par le désir de supprimer complètement la peinture de toute la voûte de la Chapelle Sixtine, mais heureusement il changea d’avis. Le nu artistique ne doit pas forcement reproduire la beauté, mais offrir la vision du réel. La reproduction de la figure nue remonte au Paléolithique, avec ses premiers essais de sculpture : des statuettes sculptées dans la pierre représentant Vénus avec des seins abondants et importants, étaient considérées le symboles de fertilité et de bonne chance pour la vie conjugale.
Vatican – Chapelle Sixtine: detail
Plus tard, les athlètes Grecs prirent l’habitude de participer aux Jeux Olympiques complètements nus, geste qui modifia l’approche des civilisations anciennes ver la nudité, lui restituant une valeur positive.
Une des deux statues dites: Les Bronzes de Riace – Italie
Pendant la période Rococo (durée jusqu’en 1784) la nudité devait être libérée des conventions répressives du Moyen Age, dans lequel la nudité aurait nécessairement une motivation religieuse, mythologique, voire historique. La figure humaine nue doit être fondée, disait Winckelmann, sur les idéaux et les préceptes des artistes grecs de l’antiquité qui avaient fixé les proportions et les relations de la perfection, dans un vision qui cherchait la beauté toujours à partir de l’homme.
Le Déjeuner sur l’herbe – E. Manet
C’est en 1863 qu’Édouard Manet réalisa l’une des premières peintures provocatrice, appelée Le Déjeuner sur l’herbe, œuvre qui provoqua le scandale car elle ne représentait pas un personnage mythologique nu, mais une fille de son temps.
L’Origine du monde – Gustave Corbet
Dans l’Origine du monde, de Gustave Corbet, La description quasi anatomique d’un sexe féminin n’est atténuée par aucun artifice historique ou littéraire. Ici le corps nu féminin, dans une veine franchement libertine, offre aux yeux des observateurs son pouvoir de fascination. L’œuvre, exposée au Musée d’Orsay, ne cesse pourtant de poser d’une façon troublante la question du regard.
Un corps nu, même de nos jours, représente encore la liberté et la gloire.
Photo: Jean Bruschini
Jean Bruschini
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